À l’occasion d’une édition spéciale de sa newsletter consacrée à l’Europe, nous avons échangé avec Didier Hendrickx, responsable des relations publiques et du département Green Gas Market Development de Gas.be, la fédération belge des gestionnaires de réseaux gaziers.
Il revient sur le développement du biométhane en Belgique, ses spécificités réglementaires et techniques, et les enjeux à venir pour la filière !
France gaz renouvelables : Pour commencer, pouvez-vous nous présenter Gas.be et votre rôle au sein de la fédération ?
Didier Hendrickx : Je suis responsable des relations publiques chez Gas.be, ainsi que du département Green Gas Market Development, qui se consacre à la promotion des gaz renouvelables – et en particulier du biométhane – en Belgique.
Gas.be est la fédération des gestionnaires des réseaux de transport et de distribution de gaz du pays.
Concrètement, nous agissons sur plusieurs volets :
- la promotion du biométhane et l’accompagnement des projets de méthanisation ;
- le conseil aux parties prenantes (producteurs, autorités, entreprises) sur les aspects techniques, de certification et de commercialisation ;
- et un pôle plus technique, avec un laboratoire accrédité pour tester la conformité des appareils gaz au marché belge et européen, participer à des projets-pilote ou des fields-tests. Nous sommes également opérateur sectoriel en matière de normalisation des appareils et installations intérieures gaz et gérons le label de qualité CERGA pour les installateurs gaz.
Nous réalisons également des études de fond notamment pour mieux cerner le potentiel et les perspectives du biométhane et des gaz verts en Belgique.
FGR : Justement, quelle est aujourd’hui la situation du biométhane en Belgique ?
DH : La Belgique a démarré tardivement par rapport à ses voisins, nous avons eu près de quinze ans de retard. mais la dynamique est désormais bien engagée.
Aujourd’hui, on compte environ 150 installations de biogaz, dont 13 injectent déjà du biométhane dans le réseau. Quatre nouveaux sites ont démarré cette année, et une trentaine de projets supplémentaires sont à l’étude pour les deux à trois prochaines années.
Ce développement est d’autant plus remarquable qu’il ne repose pas sur un soutien public massif : hormis en Wallonie, où un léger mécanisme d’aide existe sur les certificats verts, la Flandre ne propose pas de dispositif spécifique. La croissance est donc poussée par le marché. C’est aussi pour cela que les installations tendent à être de plus grande taille, car l’absence de soutien public pousse à des modèles économiques plus robustes, tablant notamment sur la willingness to pay et en particulier le marché du transport.
FGR : Vous mentionniez vos activités liées à la certification. Comment fonctionne aujourd’hui le système belge ?
DH : Nous travaillons à l’articulation entre la directive RED II (et bientôt RED III) et les schémas nationaux. Pour le moment, la Belgique dispose d’un système fédéral de traçabilité des volumes de biogaz et de biométhane, principalement pour le transport (bioCNG et bioGNL). Mais il n’existe pas encore de schéma national unifié : la question reste ouverte entre reconnaissance de systèmes volontaires européens et éventuelle mise en place d’un cadre propre.
L’enjeu, pour nous, est clair : harmoniser les dispositifs et fluidifier les échanges au sein du marché européen mais aussi entre régions du pays, tout en garantissant la crédibilité environnementale. La mise en place de l’UDB européenne s’avère à cet égard importante mais il est impératif que le système de certification activé au niveau de l’UE soit compréhensible, pratique et non une épine dans le pied des acteurs de la biométhanisation.
FGR : Que devient le biométhane belge ?
DH : Une part significative du biométhane produit en Belgique est aujourd’hui exportée vers l’Allemagne, où la demande est très forte, notamment dans le transport. Notre objectif, à moyen terme, est de rapatrier une partie de la consommation sur le territoire belge, en renforçant la certification, en facilitant la commercialisation domestique et en instaurant des mécanismes de soutien temporaires. L’idée est d’assurer une consommation locale du biométhane, bénéfique pour les bilans carbone régionaux et la souveraineté énergétique.
FGR : Justement, la mobilité semble jouer un rôle majeur dans la valorisation du biométhane en Belgique ?
DH : Absolument. La mobilité est aujourd’hui le principal usage du biométhane, qu’il s’agisse du transport routier ou maritime. Le terminal GNL de Zeebrugge joue à cet égard un rôle clé : il permet de fournir du gaz naturel liquéfié aux stations GNL d’Europe de l’Ouest mais aussi du bio-GNL, grâce au schéma de certification volontaire ISCC reconnu par l’Europe, pour alimenter une demande croissante en gaz décarboné. Ce marché est en pleine expansion : on prévoit plus de 2 TWh de bioGNL en 2025 à Zeebrugge, avec une croissance rapide ces derniers mois de la demande dans le transport maritime.
FGR : L’entrée en vigueur du système ETS 21 pourrait-elle favoriser l’usage du biométhane sur le territoire ?
DH : Oui, clairement. Les industriels belges cherchent activement à décarboner leurs procédés, et le biométhane apparaît comme une solution immédiate et crédible. Avec la montée du prix des quotas carbone, l’ETS 2 rend cette option de plus en plus économiquement viable vu aussi la hauteur des pénalités. On observe déjà une forte demande d’informations et de formations sur le sujet, notamment de la part des zones industrielles et portuaires. Cela pourrait permettre un rééquilibrage naturel entre exportation et consommation intérieure.
FGR : Et du côté des particuliers ? Peut-on consommer du “gaz vert” en Belgique ?
DH : Pas encore, ou très peu. Nous travaillons avec les fournisseurs d’énergie de façon à ce qu’ils offrent des contrats “gaz vert” pour les ménages, en partenariat avec les fournisseurs d’énergie. Il reste des obstacles techniques et contractuels à lever, mais c’est une priorité. Nous menons en parallèle un travail de sensibilisation du grand public, pour le familiariser les citoyens avec la réalité locale du biométhane : ce sont des projets proches de chez eux, qui valorisent des déchets locaux et participent à l’économie circulaire. L’idée, c’est de montrer que le biométhane n’est pas une abstraction technique, mais une énergie renouvelable concrète et locale !
FGR : Quels types d’intrants utilisent les unités belges ?
DH : Historiquement Un peu de tout si vous me permettez cette expression : les « gisements » de déchets agroalimentaires mais aussi les déchets agricoles, les lisiers et fumier et les déchets des villes et communes. Il existe aussi plusieurs installations de biométhanisation produisant à partir des boues des stations d’épuration d’eau. Soulignons aussi des initiatives locales vertueuses, par exemple deux sites wallons qui utilisent leur biométhane en bioCNG pour la mobilité locale et la cogénération. A cet égard ces projets ont été souvent portés par des pionniers en matière de biométhanisation qu’il faut saluer. Il ont en général essuyé les plâtres d’être des innovateurs avant tout le monde.
- Système européen de plafonnement et d’échange d’émissions (‘cap-and-trade’ en anglais), dans lequel les entreprises assujetties doivent mesurer et vérifier leurs émissions de CO2 pour ensuite restituer aux autorités une quantité de quotas d’émissions équivalente (1 quota d’émission = l’autorisation d’émettre une tonne de CO2). La quantité de quotas mise annuellement sur le marché est déterminée par rapport à l’objectif de réduction d’émissions et la mise sur le marché de quotas se fait par enchères. ↩︎