La France, pour atteindre la neutralité carbone en 2050, se doit de développer la part des énergies renouvelables dans son mix énergétique et en particulier de développer le biogaz, énergie largement décarbonée, produite localement et porteuse de solutions socio-économiques, agricoles et environnementales pour les territoires.
Dans le cadre de la Loi de Transition Energétique pour une Croissance Verte (LTECV) de 2015, la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) et la Programmation Pluri Annuelle de l’Energie (PPE) mettent en place les outils stratégiques et opérationnels de la politique française pour répondre à l’urgence du changement climatique.
Dans ce contexte la SNBC et la PPE ont été mises en consultation depuis plus d’un an dans différents cadres et le débat public a clairement fait ressortir non seulement l’intérêt du public pour la production de biométhane au sein des territoires ruraux mais également une demande forte d’accélération de déploiement des technologies de méthanisation.
La consultation publique ouverte par le Ministère de la Transition Ecologique et Solidaire jusqu’au 19 février vient clôturer ce processus et France gaz renouvelables s’interroge en premier lieu du peu de prise en compte dans cette nouvelle version de la SNBC et PPE, des avis déjà relayés par différents moyens (presse, courriers, rencontres etc.) des acteurs et des représentants locaux qui développent cette filière porteuse de réels bénéfices pour les territoires ruraux.
France gaz renouvelables représentant à la fois du monde agricole et du monde de l’énergie tient à réaffirmer dans ce document sa vision d’une décarbonation de l’énergie consommée et de la place de l’agriculture dans la transition écologique.
Ainsi concernant la PPE :
Tout d’abord, France gaz renouvelables ne peut que s’étonner que le gouvernement n’ait pas fixé un objectif pour la production de biogaz en concordance avec la Loi Energie Climat promulguée en novembre 2019 qui prévoit 10% de gaz renouvelables en 2030 dans la consommation de gaz. L’objectif proposé de 7% de biogaz en 2028 dans la PPE, limité par une vision budgétaire et donc plafonné, ne permettra pas de répondre aux objectifs de la loi votée en novembre 2019. De plus, l’objectif de réduction des émissions de 50% des gaz à effet de serre de l’agriculture pour 2050, par rapport à 1990, prévoit une augmentation substantielle de la méthanisation agricole, en totale incohérence avec la baisse des ambitions du biogaz dans la PPE
Cela étant posé, France gaz renouvelables, salue l’effort financier du gouvernement qui a permis de répondre à la demande de la filière méthanisation d’un soutien plus important pour cette filière en construction. L’Augmentation de l’enveloppe de soutien public à 9,7 milliards d’euros pour la période 2019-2028 contre 7,9 milliards précédemment est un signal positif.
La filière méthanisation est une filière en construction qui traduit la mise en place de nouveaux modèles de développement d’économie circulaire et qui ne peut être comparée dans sa trajectoire de maturation à d’autres filières. Les projets de méthanisation répondent à des situations territoriales chaque fois unique, de gestion des gisements des déchets agricoles ou autres et aux contraintes d’épandage des digestats par exemple. Ces contraintes expliquent entre autres que les économies d’échelle et d’industrialisation sont plus compliquées à mettre en œuvre. La limitation à 2% de la baisse des coûts de production sur la première période de la PPE et la mise en place d’une clause de revoyure en 2023 correspond au modèle d’industrialisation que cette filière semble être capable de porter.
En revanche, et en toute logique avec les points précédents, France gaz renouvelables souhaite alerter sur le conditionnement de l’objectif de production de biogaz pour la seconde période de la PPE (2023-2028) à 14 ou 22 TWh avec des objectif de tarifs d’achat de 75€/MWh dès 2023. La cible tarifaire même si elle a été rehaussée risque d’être difficile à atteindre à si brève échéance. Rappelons seulement que la première injection de biométhane dans le réseau de distribution date de 2013 et que la durée de mise en œuvre des projets est en moyenne de 4 à 5 ans. De plus, le volume de projets enregistré dans le registre de capacité, met une pression importante sur l’ensemble de la chaine de construction des unités de méthanisation qui a pour conséquence une augmentation des CAPEX.
Par ailleurs, la révision du tarif d’achat dans le cadre de la notification, doit prendre en compte l’impact positif de la méthanisation sur les pratiques agricoles. Par exemple, les Cultures Intermédiaires à Vocation Energétique sont aussi une solution de couverture des sols et de captage des gaz à effet de serre.
De plus, la cogénération biogaz est une des seules énergies « productrice d’électricité » vertes stockable et modulable. Elle doit s’inscrire pour partie dans le soutien au réseau par sa flexibilité et son implantation diffuse sur des territoires ruraux souvent à risque. La double valorisation cogénération injection doit être encouragée. Les sites supérieurs à 500 kW électrique/heure doivent à minima bénéficier d’une négociation de gré à gré de leur futur tarif d’achat en cas de bonne valorisation de la chaleur.
L’industrialisation de la filière et la baisse des coûts si elles sont un objectif totalement partagé par la filière, ne pourront être atteints à marche forcée.
De plus, France gaz renouvelables, malgré des demandes répétées aux pouvoirs publics, insiste pour que l’objectif en volume de biogaz injecté soit réhaussé à 8 TWh pour 2023, comme le prévoit la PPE en vigueur. Il parait difficilement, compréhensible alors que la France a augmenté ses objectifs de consommation d’énergies renouvelables à 33% en 2030 que l’ambition pour le biométhane soit réduite.
Par ailleurs, le projet de PPE prévoit deux appels d’offres annuels, pour un objectif de production de 350 GWh PCS/an chacun. Même si le seuil des projets éligibles aux appels d’offres n’est pas précisé dans le texte en consultation, le modèle de méthanisation agricole développé en France, dans un objectif de revitalisation du tissu local rural, doit être préservé. La structuration de la filière doit permettre aux porteurs de projets de taille moyenne autour de 25-30 GWh d’être éligibles au guichet ouvert plutôt qu’astreints à la procédure d’appel d’offres pour laquelle ils ne sont pas équipés. De plus, il parait limitant que le volume attribué en appels d’offres soit sanctuarisé dans le document mis à la consultation et ne permette pas de souplesse avec les volumes ouverts au guichet tarifaire. Une fois de plus, La filière méthanisation est jeune et la contraindre autant par les volumes que par la baisse des coûts risque de briser la dynamique actuelle.
Enfin, France gaz renouvelables regrette que le projet de PPE ne fasse aucune mention du nouveau dispositif des contrats d’expérimentation pour les filières de production de biogaz innovantes. Complémentaires du guichet ouvert et des appels d’offres, ce nouveau dispositif permettrait d’accompagner des technologies moins matures mais prometteuses en matière de filière française d’excellence et de baisse des coûts de production des gaz renouvelables dans leur ensemble. En particulier des projets reposant sur la pyrogazéification ou le couplage méthanisation – méthanation pourraient émerger rapidement si les appels à projet sont lancés à partir de 2020.
Concernant la SNBC :
La nouvelle version de la SNBC mise en consultation prévoit désormais un objectif clair de maitrise de la pointe électrique et un certain nombre d’analyses détaillés pour appuyer l’objectif de neutralité carbone à 2050 de la France. France gaz renouvelables regrette que ces études et analyses ne soient pas incluses dans le document présenté. La production continue et la possibilité de stockage du biométhane dans les réseaux est trop peu soulignée dans le document proposé à la consultation.
Par ailleurs, le document donne une vision compartimentée des réseaux énergétiques alors que seule la complémentarité permet et permettra d’assurer le production nécessaire à la consommation énergétique française. La prise en compte de l’ensemble des vecteurs énergétiques depuis l’amont (Power to Gas) jusqu’à l’aval, (hybridation des matériels ou des véhicules) qui concoure à la flexibilité des systèmes est indispensable pour atteindre les objectifs fixés.
Enfin, France gaz renouvelables souhaite rappeler que la production de biométhane par méthanisation n’est pas seulement une solution énergétique. Les externalités agronomiques, environnementales et économiques, rappelées dans le rapport du groupe prospective de la CRE à l’été 2019 confirment la compétitivité de cette énergie renouvelable. Outre, l’indépendance énergétique des territoires qu’elle développe, la méthanisation est une solution de transformation de l’agriculture vers des pratiques plus écologiques et une pérennisation des emplois en milieu rural.
Le développement de l’économie circulaire est un objectif affiché du gouvernement. Il est regrettable que la contribution de la méthanisation ne soit pas reconnue à sa juste valeur dans les documents présentés.