Sur un plan global, France gaz renouvelables tient à vraiment remercier la CRE pour le travail important et extrêmement utile effectué sur le biométhane dans le cadre de son Comité de la prospective et à saluer les propositions faites sur les conditions d’injection du biométhane dans les réseaux de distribution et de transport en application du décret sur le droit à l’injection. 

Concernant la présente consultation publique France Gaz Renouvelables (FGR) s’inquiète cette fois de l’inadéquation des moyens dévolus à GRDF pour répondre au volume de projets enregistrés dans le registre de capacité. 

France Gaz Renouvelables tient à réaffirmer également son opposition à l’introduction d’un terme d’injection dans le tarif qui ne sera pas un signal tarifaire opératoire mais une source de complexité, de difficultés pratiques et même de contentieux. 

Question 1 : Etes-vous favorable à l’introduction d’une différenciation entre la rémunération des actifs historiques et des nouveaux actifs pour la période ATRD 6 ? 

FGR s’étonne de cette proposition de la CRE et de son impact potentiel sur le développement du biométhane. 

En effet, dans le passé, la CRE comme d’autres régulateurs en Europe a mis en place des taux différenciés pour encourager les opérateurs à réaliser certains investissements nouveaux à fort enjeux ou plus risqués comme certains ouvrages de transport pour fluidifier le marché français, ou pour le déploiement des compteurs communicants en distribution. Ces projets bénéficiaient d’une prime par rapport au taux de rémunération normal des actifs de l’opérateur. 

Dans le cas présent, le taux de rémunération appliqué aux nouveaux actifs serait inférieur de 100 pb à 150 pb au taux de rémunération des actifs historiques. FGR considère que l’introduction de ce taux de rémunération minoré pour des investissements prioritaires comme le biométhane serait clairement un contresigne allant à l’encontre des priorités affichées par le Gouvernement et souhaités par une majorité de français. Une telle mesure serait en outre de nature à dissuader les opérateurs de réaliser les investissements de raccordement de biométhane alors qu’il faudrait au contraire les encourager. 

FGR est donc défavorable à l’évolution envisagée par la CRE. 

Question 10 : Êtes-vous favorable aux évolutions du dispositif de régulation incitative de la qualité de service envisagées par la CRE pour le tarif ATRD6 ? 

Question 12 : Y a-t-il des thématiques sur lesquelles vous souhaiteriez que GRDF soit incité ? 

FGR prend note de la proposition de la CRE d’introduction de deux indicateurs de suivi concernant les projets biométhane : suivi du délai de réponse aux études détaillées et suivi des réclamations suite au raccordement des installations biométhane. 

A ce stade, FGR est satisfait des relations établies entre GRDF et les porteurs de projet. FGR s’inquiète cependant des moyens accordés par la CRE à GRDF pour remplir les missions qui lui sont dévolues (cf. notre réponse à la question 17). 

FGR estime qu’il serait pertinent, en cas de dégradation des indicateurs de suivi, de se réinterroger en cours de période tarifaire sur les moyens alloués à GRDF et sur l’introduction éventuelle d’une incitation financière sur ces deux indicateurs. 

Question 17 – Quelle est votre position sur les orientations envisagées par la CRE concernant le niveau des charges à couvrir pour la période ATRD6 ? 

Raccordement des projets et exploitation du réseau 

La loi Energie-Climat en cours de promulgation a confirmé l’engagement national pour le développement du biométhane qui peut être une des réponses à la transition énergétique de la France et l’atteinte de l’objectif de neutralité carbone inscrit dans la loi. 

L’augmentation du nombre de projets référencés dans le registre de capacité est significative : à fin septembre 2019, le registre de capacités listait une file d’attente de 21,4 TWh de projets identifiés souvent très avancés. On peut estimer que près de 60% de ces projets devront effectivement être raccordés soit près de 10TWh pour le réseau GRDF à horizon 2023. 

Le développement des volumes de biométhane dans les prochaines années est d’ailleurs un impératif pour permettre la réduction des coûts de la filière attendue par les pouvoirs publics indispensable à son développement à grande échelle de la filière. 

L’article L111-97 du code de l’énergie prévoit que les gestionnaires de réseau ont l’obligation de raccordement au titre du droit d’accès aux ouvrages de transport et de distribution des producteurs de biométhane 

La loi Egalim et le décret « droit à l’injection » pris en application de celle-ci fixe de nouvelles missions de service public aux gestionnaires de réseaux : 

  • La création d’un zonage national, concerté localement et réactualisé tous les ans sur la prochaine période tarifaire comme le propose la CRE dans sa consultation biométhane, 
  • La réalisation des études des projets de raccordement nécessaires, 
  • L’établissement des programmes d’investissements pour chacun de ces ouvrages de raccordement, 
  • La réalisation des investissements de raccordement et de renforcement dès lors que la CRE les aura validés. 

Ainsi il est essentiel que les investissements soient en adéquation avec la dynamique des projets telle qu’elle ressort du droit des porteurs de projet de bénéficier d’un tarif sur une durée de 15 ans. Ce droit est accordé aux porteurs de projet dès l’obtention du récépissé prévu par les décrets et arrêtés sur l’injection de biométhane sur la base des études leur permettant également de réserver leur capacité sur le registre. Ainsi, une large majorité des projets inscrits au registre ont obtenu leur récépissé ou sont sur le point de l’obtenir. 

Or, la trajectoire d’OPEX et de CAPEX de GRDF envisagée par la CRE est en complet écart avec cette dynamique et va nécessiter un arbitrage entre les projets déjà en cours pour ne pas dépasser le niveau de 6TWh/an injectés en 2023. Cela va conduire à bloquer un grand nombre de projets pour des contraintes de raccordement. 

Les porteurs de projets, forts de la mise en oeuvre du droit à l’injection, ne comprendront pas que leurs projets pour lesquels ils ont pris des risques et engagés des ressources personnelles, soient ainsi bloqués par un manque de moyen des gestionnaires de réseaux. Ce serait d’autant plus incompréhensible que les volumes de dépenses d’exploitation et d’investissement en cause représentent une part extrêmement faible des dépenses totales de GRDF et de l’investissement global que représente ces projets. 

En conséquence, FGR demande que la CRE donne à GRDF les moyens de répondre au développement de la filière biométhane sur la période ATRD6. 

La CRE doit s’assurer de la capacité de GRDF à mobiliser des ressources et moyens pour l’ensemble des demandes d’études qui lui incombe et à raccorder les projets prévus à l’horizon 2023 tels qu’ils découlent des droits des porteurs de projet et du registre de capacités. 

Recherche et Développement 

GRDF envisage une action forte de R&D pour soutenir la filière biométhane autour de 3 axes majeurs : 

  • Améliorer la qualité et les performances des unités d’épuration et d’injection du biométhane : travaux sur les technologies pour en améliorer l’efficacité et réduire les coûts notamment en termes d’épuration du gaz et de capteurs de qualité du gaz (chromatographes) 
  • Effet de levier sur la R&D de la filière biométhane pour l’industrialiser : amélioration des rendements, réduction de l’autoconsommation etc… 
  • Professionnalisation de la filière biométhane : définition de nouvelles normes et labellisation des constructeurs … 

Les gains estimés pour la filière sont très largement supérieurs aux dépenses engagés par GRDF (facteur 5). C’est un vecteur important pour diminuer le coût du soutien à la filière à plus long terme, et permettre l’émergence de nouveaux projets nécessaires à l’atteinte des ambitions de transition énergétique à long terme. 

Cette activité de R&D est menée en collaboration avec de nombreux partenaires universitaires, laboratoires et organismes de recherches en régions. 

L’arbitrage envisagé sur le poste R&D limiterait la capacité à améliorer la compétitivité de la filière à moyen terme, il pénaliserait les partenaires locaux impliqués, les organismes de recherche et les industries partenaires. 

Cet arbitrage limiterait enfin très fortement l’intérêt de consulter le marché sur ses attentes dans ce domaine : comment intégrer de nouveaux sujets R&D, alors que la CRE ne donne déjà pas les moyens à GRDF d’instruire ceux préalablement identifiés (et partagés avec de nombreux acteurs). 

Question 24 – Avez-vous tout autre proposition ou remarque sur le prochain tarif ATRD de GRDF ? 

La filière tient à rappeler qu’elle est tout à fait opposée à l’introduction d’un timbre d’injection. 

Les signaux de prix aux producteurs existent déjà avec un encadrement à la fois très complet et même complexe (calcul du I/V décret et du I/V élargi pour les renforcements, coût du raccordement, prise en charge de la part non-réfactée des ouvrages mutualisés, etc.). Tout signal-prix additionnel, compliquera encore un dispositif déjà très complexe et découragera des producteurs éligibles aux dispositions prévues au décret. 

De surcroît le système proposé lors de la CP relative aux conditions d’insertion du Biométhane dans les réseaux de gaz et à l’introduction d’un timbre d’injection parait inadapté : 

1. Si l’on fait la comparaison avec le système électrique 

  • Les S3RENR envoient un signal prix en répercutant aux producteurs une quote-part des CAPEX. Ce signal prix, tel qu’il ressort du panorama de l’électricité renouvelable 2018, varie entre 0 k€/MW (en Alsace) et 70 k€/MW (en Midi-Pyrénées). Ainsi, une cogénération biogaz de 1 MW, supporterait au plus un signal-prix de 70 000 €. 
  • En terme de composante d’injection : celle-ci est nulle pour les installations de production raccordées au réseau HTA ou HTB1, ce qui représente l’essentiel des installations de production d’électricité renouvelable (parc éolien y compris offshore, centrale photovoltaïque, cogénération biogaz) 

Un projet de même capacité de méthanisation mais en injection biométhane produit 23 GWh/an, soit sur 15 ans avec une actualisation à 7% une valeur actualisée nette du terme 3 du timbre d’injection de 293 000 €, plus de 4 fois le signal économique le plus fort envoyé en électricité à travers les S3RENR et le TURPE

2. Ce terme d’injection affecte le TRI des projets 

La perte de TRI projet est de l’ordre de 0,5% entre un projet soumis à un terme 1 ou un terme 3. 

3. Le terme est disproportionné par rapport à ce que paient les expéditeurs pour injecter du gaz fossile importé 

Un timbre 3 à 1,4 €/MWh correspond à un terme capacitaire d’entrée sur le réseau de l’ordre de 450 €/MWh/j/an (puisque les sites de biométhane injectent quasiment en plat sur l’année). En comparaison, le terme d’entrée aux points frontière appliqué sur le réseau de transport est de 105 €/MWhj/an. La filière biométhane qui permet une production de gaz renouvelable et locale subirait donc un terme 4 fois plus élevé comparé au gaz fossile importé

4. Le dispositif est peu transparent, peu lisible et complexe à appliquer 

La CRE propose des termes de coefficient 1 ou 2 en fonction de la longueur des canalisations mais sans préciser la limite entre ces deux coefficients. La mise en place d’un tel dispositif va poser un problème d’effet de seuil difficile à gérer. 

Mais surtout, la CRE propose d’affecter le terme au moment de la signature du contrat de raccordement : 

  • Sur une zone où un rebours est prévu, le producteur se verra-t-il affecté d’un timbre 3, y compris lorsque la réalisation du rebours est programmée à longue échéance ? Dans ce cas cela ne revient-il pas à faire payer par avance à ce producteur des coûts d’OPEX qui n’existent pas encore ? Que se passe-t-il si le producteur opte finalement pour un raccordement direct au réseau de transport ? Que se passe-t-il si le producteur paie un coefficient 3 et que le rebours ne se concrétise finalement pas, les projets envisagés ne se réalisant pas ? 
  • Inversement, si le producteur se voit initialement affecté d’un timbre 1, que se passe-t-il si finalement la multiplication du nombre de projets conduit à mettre en place un rebours ? 

Enfin les montants d’OPEX envisagés pour les rebours sont très étonnants. Fgr souhaite avoir accès au détail des calculs effectués. 

En résumé, les modalités d’attribution seront inévitablement arbitraires et fluctuantes dans le temps sur une même zone. 

FGR s’interroge sur les suites données par la CRE au projet d’introduction d’un timbre d’injection d’autant plus qu’il n’est pas repris dans la consultation publique ATRD 6. Ce projet est-il abandonné ou la CRE persiste-t-elle dans son projet de mise en oeuvre ? 

Si l’introduction du timbre d’injection devait être confirmée, FGR s’interroge sur son articulation avec l’élaboration du tarif d’acheminement distribution (et du tarif d’acheminement transport) et sur les modalités d’évolution de ce terme tarifaire dans le temps.